mardi 8 novembre 2011

QU'EST-CE QUE L'HOLOPHRASE ?


( In séminaire XI "les quatre concepts de la psychanalyse")

En linguistique, l'holophrase désigne l'emploi d'un seul mot pour exprimer une phrase.

Lacan considère que l'holophrase c'est l'absence de nouage entre la chaîne des signifiants et la chaîne des signifiés

La Métaphore du Nom du Père est ce qui permet de lier les signifiants entre eux pour produire un effet de signification (S1-S2) (signifiant/signifié).

Quand il y a un défaut du N d P, il n'y a pas de lien de signification, le signifiant reste isolé dans la phrase (les S1 à la suite hors sens). Ce signifiant hors sens, privé d'une signifiance donnée par S2, est en rupture de la chaîne signifiante, ce signifiant surgit du réel.

Ce signifiant hors chaîne, énigmatique, le sujet psychotique, va lui donner un sens hors Métaphore du N du P, un sens délirant ("truie" entendue par la patiente de Freud en revenant de chez le boucher).

Par contre l'holophrase n'est pas une métaphore délirante, une tentative de donner un sens hors chaîne, mais elle est une prise en masse des signifiants. Il ne peut y avoir intervalles entre eux, puisque l'intervalle est le signe de la rupture métaphorique. l'holophrase est constituée de blocs de signifiants égaux (S1), donnant des phrases dites sur le même ton, agrégats de mots répétés sans fin (litanies, stéréotypies verbales, ritournelles...) .

A ce niveau on est plus dans la jouissance de la lettre, les phrases n'ont pas de message (ex Joyce avec ses épiphanies, ces fragments de dialogue entendus dans la rue et extraits de leur contexte signifiant).

Le S1 est son, phonème, lettre jouïe, le S2 est signifié, sens. En ce sens la lalangue est faite de uns, ce n'est pas du symbolique, c'est du réel, du son hors chaîne.

Dans le séminaire XI, il y a un commentaire du travail de Maud Mannoni sur l'enfant retardé ("l'enfant arrièré et sa mère"). Mannoni situe la débilité du côté du symptôme. Le corps de l'enfant et son désir ne sont pas différenciés du corps et du désir de la mère. La non séparation fait qu'il n'y a que du "Un", Lacan associe cela au langage en disant que cette non séparation, est ce qui donne l'holophrase comme répétition des "uns" chez l'enfant débile.

Dans son séminaire, il distingue le niveau de l'énoncé et le niveau de l'énonciation (représentés par deux lignes en bas du graphe du désir (séminaire VI, le désir et son interprétation).

L'énoncé désigne les signifiants qui préexistent à la naissance du sujet et que l'on situe au lieu de l'Autre (A). Pour que ces signifiants existent il faut que quelqu'un les prononce pour l'enfant.

C'est dans cet acte d'énoncer les signifiants que Lacan situe l'énonciation.

Deux exemples donnés par Lacan, les exclamations: "Du pain" et "Au secours", ce qui surgit dans ces phrases, se situe sur le plan du besoin (le sujet en tant que besoin), le sujet n'est pas dégagé de l'énoncé, ainsi dans l'holophrase, le sujet ne se trouve pas dégagé de l'énoncé, c'est monolithique, tout est dans la prise en masse.

Dans l'énonciation c'est tout à fait autre chose, là le sujet se compte lui même, à part, dans une coupure avec ce qui est dit. lacan propose la formulation suivante: " j'ai trois frères, Paul, Ernest et moi" cette phrase illustre ce qui se passe quand le sujet qui parle se compte à part des termes de l'énoncé. Le moi est bien ce "Je" qui parle et qui se distincte de Paul, Enerst.

De même quand le sujet dit: " je ne dis pas", on entend bien le je de l'énonciation qui contredit le je de l'énoncé puisque le sujet tout en nous annonçant le fait de ne pas dire, le dit quand même en prenant la parole. l'énonciation surgit par la grammaire dit lacan dans ce séminaire.

Pour l'illustrer cela, voici la formulation: "je ne savais pas qu'il fût mort". Elle fait entendre la première partie de la phrase conjuguée à l'imparfait de l'indicatif alors que la suite correspond au subjonctif. lacan dit que ce n'est pas du repérage temporel mais bien intentionnel, qui est exprimé dans la différence du temps, et cela biensûr renvoie à la typologie du désir où le je de l'énonciation se fait entendre.

Cet exposé montre que l'holophrase est du côté de
la jouissance alors que la métaphore se situe du côté du sens. Ainsi dans la clinique on constate l'apparente docilité des sujets dits débiles. Ce sont des sujets qui se conforment au discours de l'Autre, qui ne s'interrogent pas. Tout porte à penser que ces sujets s'interdisent de savoir, Ils s'accommodent bien que l'autre sache et désire à leur place.

Chez les sujets psychotiques, c'est différent. Ils ne supportent pas le manque à savoir, et pour y remédier construisent un savoir délirant, à partir du désir de l'autre toujours menaçant.

Ils ont leur certitude, c'est leur manière de penser la maîtrise.

Après le séminaire XI, Lacan laissera le terme d'holophrase pour le remplacer par le mot "Un", un tout seul.

                                                                                                                           Dominique CUNY

                                                                                                                                          Nov 2011

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